Rasoulof arrêté en Iran
Le lauréat de l’Ours d’or s’est élevé contre la violence policière
Le cinéaste iranien Mohammad Rasoulof avait remporté l’Ours d’or à Berlin en 2020 avec son film magnifique «There Is No Evil» (Le mal n’existe pas). Il vient d’être arrêté en Iran, avec son collègue Mostafa Al-Ahmad, et placé en cellule d’isolement à la prison d’Evin pour avoir publié une déclaration sur les réseaux sociaux à la suite d’une action violente du gouvernement. Selon l’agence de presse nationale IRNA, les deux réalisateurs ont été arrêtés pour avoir publié un appel aux forces de sécurité iraniennes, sous le hashtag #put_your_gun_down, à ne plus utiliser d’armes à feu après les manifestations et les affrontements avec la police dans la ville d’Abadan, au sud-ouest du pays. Les manifestations faisaient suite à l’effondrement d’un bâtiment qui a coûté la vie à 41 personnes. Outre Mohammad Rasoulof, plus de soixante-dix autres cinéastes ont signé l’appel contre la violence policière.
Signez pour la liberté de l'expression: Petition
Kaveh Farnam et Farzad Pak, les deux producteurs de «There Is No Evil», ont demandé la libération des personnes arrêtées et écrivent: «Vendredi 8 juillet, Mohammad Rasoulof et Mostafa Al-Ahmad, cinéastes iraniens respectés et engagés, ont été victimes d’une attaque coordonnée et brutale sous un faux prétexte. Nous condamnons fermement les autorités pour le non-respect des droits de l’homme fondamentaux et des libertés civiles, ainsi que pour la répression et les pressions continues exercées sur les cinéastes iraniens engagés et indépendants, et nous demandons la libération immédiate et inconditionnelle de nos collègues. Nous avons demandé aux artistes et aux cinéastes du monde entier de soutenir la libération des artistes emprisonnés.»
Les réactions auxquelles nous nous associons n’ont pas tardé. Selon Variety, Mike Downey, président de l’European Film Academy et co-fondateur de la Coalition internationale pour les cinéastes en danger (ICFR), écrit: «L’arrestation de Mohammad Rasoulof et Mostafa Al Ahmad n’est qu’un exemple de plus de la façon dont les autorités publiques et locales corrompues réagissent face à un simple acte de protestation». La lettre ouverte qu’ils ont signée, appelant les forces de sécurité à «déposer les armes» face à l’indignation suscitée par «la corruption, le vol, l’inefficacité et la répression» liées à l’effondrement d’Abadan, est une déclaration honnête qui appelle une réponse honnête. Au lieu de cela, la seule réponse du gouvernement est la répression et l’arrestation. Nous demandons instamment aux autorités iraniennes de libérer immédiatement les deux artistes.»
Cinéaste en vue, pas seulement dans le cinéma iranien, Mohammad Rasoulof reste une voix importante. En Iran, où la dictature religieuse ne tolère ni la critique ni la liberté d’expression, il n’a pas été en mesure de montrer ses films au public. Ceci, bien qu’il jouisse d’une immense renommée internationale et qu’il ait remporté deux prix à Cannes en 2011 avec «Goodbye». En guise de remerciement, le cinéaste a été condamné à six ans de prison et à 20 ans d’interdiction de travail pour «propagande anti-régime». La peine a ensuite été suspendue et Rasoulof a été libéré sous caution. En 2017, les autorités iraniennes ont confisqué son passeport lors de son retour du Festival du film de Telluride, où son film «A Man of Integrity» sur la corruption et l’injustice en Iran avait été projeté, après avoir été présenté à Cannes. Lors de la Berlinale 2020, Mohammad Rasoulof n’a pas eu le droit d’accompagner «There Is No Evil» ni de se rendre à Berlin pour recevoir l’Ours d’or qui lui avait été décerné. Ce fut Baran Rasoulof, sa fille, rôle principal dans l’un des quatre contes de «There Is No Evil» - qui vit en exil à Hambourg - qui a reçu le prix en son nom.
Dans un entretien avec le Berliner Tagesspiegel à l’occasion de la première du film en son absence, Rasoulof avait déclaré: « L’Iran est ma patrie, le pays et la culture que j’aime. C’est ici que vivent mon père et ma mère, les gens que je chéris. Bien sûr, j’aimerais voyager, mais pourquoi me priver de mon droit fondamental de rester dans mon pays? Abbas Kiarostami a dit un jour qu’on ne pouvait pas transplanter un arbre. Mes racines sont et resteront en Iran. Je suis invité à un festival avec un film, puis je rentre chez moi: Pourquoi devrais-je m’enfuir? Je n’ai rien à me reprocher. Si quelqu’un voit les choses différemment et trouve qu’il faut me priver de mes droits à titre de punition, ce n’est pas à moi d’assumer son travail par obéissance anticipée.
La Berlinale a aussi protesté et écrit une lettre ouverte : «Le Festival International du Film de Berlin a appris avec consternation l’arrestation des célèbres réalisateurs iraniens Mohammad Rasoulof et Mostafa Al-Ahmad. Rasoulof avait remporté l’Ours d’or pour «Le mal n’existe pas» en 2020. Dans ses films, Mohammad Rasoulof aborde la situation sociale dans son pays. Les deux réalisateurs sont actuellement accusés d’avoir préparé un appel à la violence. La Berlinale défend par principe la liberté d’expression et la liberté de l’art. C’est pourquoi le festival proteste contre l’arrestation des réalisateurs.» Les deux co-directeurs du festival, Mariette Rissenbeck et Carlo Chatrian écrivent en outre: «Nous sommes préoccupés par l’arrestation de Mohammad Rasoulof et Mostafa Al-Ahmad. Il est choquant de voir des artistes emprisonnés pour s’être élevés pacifiquement contre la violence. Nous demandons aux autorités iraniennes de libérer immédiatement les deux réalisateurs.»
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