Fatma

Victime d'un viol au sein de sa propre famille, Fatma, une jeune fille de 17 ans qui vit à Sfax en Tunisie choisit de se taire. Sa mère est morte. Dans la maison, il y a son père, ses frères et ses soeurs. Loin de se résigner, elle obtient son bac et gagne son premier combat: aller étudier à Tunis. En dehors des contraintes familiales, la vie de Fatma est celle de la parole conquise, du questionnement, de la découverte et de l'initiation. Fatma fait la connaissance de Mourad. Elle finit par être séduite et, un soir, elle fait l'amour avec lui. Nommée institutrice à Soundous, petit village retiré du sud, elle y rencontre Aziz, jeune médecin brillant et ouvert. Fatma et Aziz se marient. Mais, avant la nuit de noces, Fatma décide de se faire recoudre l'hymen. Une opération bénigne selon le médecin, trois points de suture. Fatma et Aziz forment, en apparence, un couple parfait. Mais dans une société conventionnelle et hostile, leur relation reste fragile.

"Trop souvent, l'image que l'on donne de nos sociétés est déformée, banalisée, passéiste. Fatma est une histoire d'aujourd'hui. Ce récit, basé sur des faits réels, s'est construit après un travail minutieux de vérification des faits, dans un souci constant de saisir au plus près la réalité. C'est aussi l'histoire d'une découverte, celle de la pratique des trois points de suture, opération consistant à rafistoler la virginité de la femme. Un étrange compromis qui semble arranger tout le monde: le futur époux dont l'honneur sera sauf et la virilité intacte, la jeune femme qui aura un mari et par là même accédera au statut de femme et de mère. A y regarder de plus près, cette compromission naît d'une hypocrisie, dont la femme supporte seule le poids.

C'est toute la contradiction de Fatma. Ce personnage, dont la blessure fait qu'elle ne se comporte jamais tout à fait comme les autres, cède à la tradition, en se faisant opérer avant la nuit de noces. Pourtant, en dernier ressort, elle choisit d'affronter la vérité et de décider de sa vie dans une société qui fait une place bien déterminée à la femme, avec des codes précis pour l'être et le paraître, dans une société tiraillée entre modernité et tradition. Je voulais un film porteur de pluriel comme l'est mon pays. Pluriel, le film l'est dans son espace, dans ses décors. Fatma se construit à la rencontre de tout et partout. De Sfax jusqu'au petit village du sud, elle doit composer avec son environnement et avec le poids social qui l'accompagne.

Cette volonté de montrer différentes facettes m'a amené à proposer une palette de personnages contradictoires. D'abord avec eux-mêmes, mais aussi avec la société dans laquelle ils vivent. Radhia, le professeur à la faculté est libre, mais le paie par la solitude. Samira, qui, à Tunis, vivait insouciante, se retrouve prise au piège et sous la tutelle de sa famille après avoir divorcé. Aziz, qui se veut un homme moderne et ouvert, se dérobe lorsque Fatma décide de lui dire la vérité. L'envie de faire ce film n'était pas liée à ce qui se passe en Algérie, mais les événements ont incontestablement accéléré et motivé l'urgence de le faire. Si par comparaison la femme tunisienne semble priviligiée, elle reste néanmoins confrontée à l'urgence de la prise de parole. Cette prise de parole est le meilleur rempart à toute tentation d'un retour nostalgique."

Khaled Ghorbal

Festivals & prix

Prix Art et essay, Cannes 2001

Revue de presse