The Education of Auma Obama
Depuis 2008, tout le monde, ou presque, sait que le président Barack Obama avait un père kenyan. On sait moins que celui-ci, avant d’épouser Stanley Ann Dunham (la mère du président), avait une épouse au Kenya et une fille de cette première union: Auma Obama. A regarder The Education of Auma Obama, on comprend bien vite que cette femme n’a pas besoin d’être «sœur de» pour exister: son histoire, ses idées, ses activités à elles seules suffisent à en faire un personnage passionnant et attachant.
La réalisatrice Branwen Okpako a rencontré Auma Obama alors qu’elles étudiaient toutes deux le cinéma à la German Film & Television Academy de Berlin. Auma, quant à elle, avait déjà un doctorat de linguistique en poche et donnait aussi des spectacles de danse. Vivant en Allemagne, parlant la langue, Auma Obama fut souvent invitée à la télévision pour parler de l’Afrique et, bien sûr, de la misère liée au nom. Elle était consciente qu’elle était surtout un alibi, mais elle profitait de la tribune qui lui était offerte pour essayer de battre en brèche la belle unanimité des studios sur la misère du continent et sur les recettes pour l’«aider» - un terme qu’elle abhorre. Il faut voir les sourires figés et contraints de soi-disant experts lorsqu’elle pose la question des différences de traitement vis-à-vis de l’Europe de l’Est ou vis-à-vis de l’Afrique. C’est qu’elle a du caractère, «Nous avons créé cette image du Blanc, riche et en position d’aider, et du Noir, pauvre. Et c’est ce que j’essaie de briser, parce qu’à la fin de la journée, ce n’est plus supportable. Cela ne fait que créer des dépendances.» Et lorsqu’on lui parle d’acheter les bananes à un prix juste, Auma répond par la provocation : «Eh bien, arrêtez de les acheter, au moins les gens qui les produisent pourront enfin en manger». Après ses études allemandes, et un bref passage en Grande Bretagne, Auma Obama est retournée dans son pays natal où elle travaille «avec» les jeunes à construire un avenir.
On apprend tout cela – aussi ses relations distendues avec sa mère à elle, car c'est Stanley Ann Dunham qui prit en charge son éducation, avant que la grand-mère ne prenne le relais - qui nous donnerait envie d’en savoir encore plus sur cette maîtresse femme, par exemple sur ce travail d’éducation qu’elle a entrepris à son retour au Kenya – on assiste à une première rencontre entre elle et ses «partenaires», car elle n’aimerait certainement pas le terme d’élèves. Aussi, cette élection à la présidence de son demi-frère ne devient plus qu’anecdotique – et la suite a montré qu’elle le fut effectivement. Et la famille, les amis et les voisins venant assister au triomphe de Barack Jr. auraient aussi bien pu n’être là que pour assister à nous ne savons quelle finale de quel championnat…
Histoire d’une famille et les bribes de l'histoire du pays
Voilà pour le présent. The Education of Auma Obama présente un intérêt supplémentaire lorsque, dans la première partie, le passé de la famille est évoqué. L'histoire du grand-père, ses relations avec ses «maîtres» anglais est révélatrice de l'atmosphère coloniale et raciste qui régnait au Kenya au début du vingtième siècle, lorsqu’il apprenait à lire tout seul, le soir, à la lueur de la bougie. Situation qui a perduré même lorsque l'électricité fut installé chez les colons qui «ne voyaient pas l'utilité de la lumière» dans les cases des serviteurs. Au temps pour le soi-disant apport culturel de la colonisation. L'histoire du père (de Barack Jr et de Auma), Barack Obama Sr est, elle aussi, passionnante. Le film qui l'évoque par bribe nous parle d'un homme intègre, ayant suivi Jomo Kenyatta (le père de l'indépendance) dans sa lutte, pour s'en éloigner lorsque la corruption et le népotisme se sont installés dans le régime après l'indépendance. Moment fort, émouvant, lorsque la tante d'Auma raconte la mort du père, dans un accident de la circulation – mais en était-ce vraiment un? La description du père et de son caractère joue comme un effet de miroir avec celui de Auma.
En prenant prétexte du patronyme de Auma, ce film pose une quantité de questions fondamentales (quelques fois, même à l’insu de la réalisatrice) sur les relations Nord Sud, sur la famille et bien d’autres encore. Tout cela grâce à ce personnage qu’on voudrait bien mieux connaître, dont on aurait aimé qu’elle ait plus de temps pour développer ses idées.
Martial Knaebel
Festivals & prix
Africa Movie Academy Award, Best Diaspora Documentary, 2012
Audience Choice Award, Africa International Filmfestival, Lagos 2011
Festival Founders! Award Best Documentary, Panafrican Filmfestival Los Angeles 2012