I was born, but - Umarete wa mita keredo
GOSSES DE TOKYO et un des premiers longs-métrages de Yasujiro Ozu. Un film drôle et tendre qui porte en germe l'oeuvre à venir du grand cinéaste japonais, où flotte un insondable mystère. La scène d'ouverture de Gosses de Tokyo (1932) est révélatrice. Un père et ses deux enfants s'apprêtent à emménager dans la banlieue de Tokyo lorsque soudain leur voiture s'embourbe. Les aléas de la vie. Mais cette scène symbolise également ce que le cinéaste n'aura de cesse de développer dans la suite de son oeuvre. Montrer des héros, ou plus justement, des anti-héros, embourbés dans la routine de la vie quotidienne. Il les met en scène de manière quasi minimaliste, dans un cadre extrêmement perfectionné et avec un minimum de mouvements d'appareils. Il atteint ainsi ce que les analystes de son oeuvre considèrent comme le « mystère » Ozu. Une oeuvre de jeunesse inspirée du cinéma burlesque dont Ozu était un fervent admirateur - situations cocasses, grimaces, bagarres, accumulation et répétitions de gags, influencé par les desiterata des studios de cinéma de Tokyo, mais avec déjà un langage et une sensibilité uniques qui font de l'histoire de ces deux gosses en révolte contre leur père un film jubilatoire, un bijou de finesse comique. Les deux gamins de 8 et 10 ans, souffre-douleur d'un chef de bande, décident de faire l'école buissonnière. Vertement réprimandés par leur père, ils s'aperçoivent que celui-ci, simple employé, est obligé de se soumettre à l'autorité de son patron jusqu'à se ridiculiser devant lui. Aussitôt les deux enfants entament une grève de la faim. Car si devenir quelqu'un d'important dans la société, comme le prêche le père, revient à faire des courbettes devant son chef, alors à quoi bon.
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Manger ou ne pas manger
Yasujiro Ozu est plus connu pour les films réalisés après la deuxième guerre mondiale. Ses premières oeuvres, réalisées à l’époque du muet sont bien moins fameuses pour bien des raisons. La première tient, bien sûr, aux archivages encore balbutiant à l’époque. Il semblerait ainsi que la plupart de ses premiers films muets soient perdus ou, au minimum, incomplètement conservés. Les dégâts de la guerre étant passés par là , il y a peu de chance pour que ces pellicules soient retrouvées. Raison de plus pour apprécier et jouir de la
restauration de «Gosses de Tokyo», réalisé en 1932, et dont l’illustration musicale a été confiée au groupe Afrogarage.
OEuvre de jeunesse, Ozu n’avait pas encore trente ans, «Gosses de Tokyo» n’en est pas pour autant une oeuvre mineure. Le réalisateur japonais fait déjà preuve de son génie de la mise en scène et de son sens de la dramaturgie. Deux gamins débarquent dans la banlieue de Tokyo avec leurs parents. Leur père travaille dans un bureau non loin de chez eux. Ils sont aussi
voisins du patron de l’entreprise. Les deux garçons font connaissance, c'est-à -dire qu’ils se battent, avec les autres gosses du quartier, dont le propre fils de l’employeur. Persuadés que
leur père est quelqu’un d’important, ils sont choqués de voir celui-ci faire le clown pour le plus grand plaisir du patron. A l’argument qu’il doit gagner la nourriture qu’ils mangent, nos
deux compères décident de faire la grève de la faim...
D’un argument somme toute relativement mince, Ozu nous propose un récit drôlichon, voire parfois même franchement comique. On est bien sûr époustouflé par le jeu des deux jeunes
acteurs dont les mimiques expressives nous dispensent d’intertitres. Leurs petits camarades leur donnent d’ailleurs une aussi excellente réplique. Les enchaînements de situation sont
menés à un rythme échevelé auquel nous n’étions pas habitués, venant du maître japonais. Mais la précision des cadres, de mouvement des personnages et de leur placement dans
l’image sont déjà le coup de patte qui sera la signature de toute son oeuvre. C’est cette maîtrise qui donne toute sa légèreté à la dramaturgie du récit que nous suivons si bien qu’il nous
semble que les cartons d’intertitres, par ailleurs peu nombreux, ne nous sont presque pas utiles.
A la précision de la mise en scène s’ajoute celle de l’observation du milieu social dans lequel vivent les héros, bien qu’il ne faille pas voir dans «Gosses de Tokyo» un film à caractère
social. Cette observation n’est là que pour les besoins de véracité du récit et du décor, mais elle a, pour nous Européens, une valeur documentaire car il se déroule durant une période bien
précise du Japon où industrialisation et militarisation se développaient de concert. Où aussi l’immense partie de la population vivait dans la pauvreté. Où, enfin, l’importance de manger,
ou ne pas manger, prenait tout son sens. C’est d’ailleurs sur ce sujet du manger qu’on trouve le noeud de l’argument du film, couronné par cette grève de la faim comique des deux gamins. Ces scènes, du pique nique dans le terrain vague, ou du repas de la réconciliation dans le jardin, ont un tempo plus ample, une image plus ouverte, aérée, que le reste du film dont le rythme rappelle celui des comédies occidentales de l’époque. «Ce n’est pas seulement l’expression appropriée du sentiment de délivrance que le repas sous un ciel bleu laisse
imaginer, mais également une libération purement cinématographique, construite sur un subtil accord entre la durée narrative et le système thématique. Le thème de la nourriture renverse
brusquement, mais comme par nécessité narrative, le rapport entre l’extérieur et l’intérieur et rend ambiguë leur position respective. C’est cet espace-temps, irréel, propre à l’oeuvre d’Ozu, qui nous émeut.»
«Gosses de Tokyo» est une histoire de famille où les relations parents – enfants, mari – femme sont la trame du récit. Celle-ci sera constamment présente dans l’oeuvre du cinéaste.
Une trame qu’il ne cessera d’améliorer et d’affiner dans ses films d’après-guerre qui l’ont fait connaître. «Gosse de Tokyo» en est le premier tome, et déjà un petit chef d’oeuvre.
Martial Knaebel
Festivals & prix
Uraufführung: 3. Juni 1932, Tokyo. Kinema Junpo Award, Japan: Best Film
Fiche technique
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Revue de presse
«Scharfsinnig und mit ernstem Humor schildert er den Verlust der Unschuld und die Enttäuschung der Kinder über die Erwachsenen: Diese sind zwar gross, aber kriechen noch immer. «Ich wurde geboren, aber » ist nicht nur ein Knüller hinsichtlich Dynamik und Rhythmus, er fängt auch wie wenige andere Filme die Stimmung der Kindheit ein. Schliesslich macht sich der Vater derart zum Affen, dass die Buben nur noch traurig zuschauen und verstummen.» Pascal Blum, Züritipp
«In diesem Film vereinigte Ozu nahezu perfekt die zahlreichen Elemente, die seinen Stil prägten, mit seiner persönlichen Sicht der Dinge. Vom Genre her ein ‘shomin-geki’, zeigt der Film sehr deutlich die Rigidität der japanischen Gesellschaft. Er handelt von einer Kleinfamilie, deren Angehörige Ozu mehr interessieren als die Familie als solche, und von Kindern, die in aller Unschuld die Falschheit der Erwachsenen-Gesellschaft offenlegen. Er macht aber auch deutlich, dass dieser Zustand von Unschuld auf Dauer nicht zu bewahren ist. Der Film ist eine – wenngleich ernste – Komödie; nie mehr werden die beiden Jungen sein, was sie einmal waren. In späteren Jahren sollte Ozu erkennen, dass die Unschuld sehr wohl zurückkehrt. (...) In diesem so heiteren wie hellsichtigen Film von 1932 ist er noch nicht zu der Erkenntnis vorgedrungen, dass die Unschuld in gewisser Weise erhalten werden kann.» Donald Richie
«Akzeptiert Ozu damit – wenn auch widerwillig – die Unterdrückung durch die Unterdrückten? Man kann diese Lesart nicht ganz ausschliessen. Aber sie bleibt zu einseitig, zu ‘ideologisch’. Der Kulminationspunkt des Films ist erreicht, als die Jungen den Vater autorisieren, seinen Vorgesetzten mit Respekt zu grüssen, und wenn der Film uns genau in diesem Moment bewegt, dann nicht, weil die Kinder gerade die Existenz sozialer Klassen entdecken, sondern weil sie eine Ahnung bekommen von dem, was man das ‘soziale Bindeglied’ nennen muss und was Ozus grosses Thema ist. Es ist der Moment, da die Kinder in ihrem Vater ein ‘anderes Selbst‘, ein anderes Kind entdecken – seltsam, weil er dominiert wird.» Serge Daney, Cahiers du Cinéma
«Wie Chaplin verstand es Ozu, die Elemente des Tragikomischen sinnfällig miteinander zu verknüpfen. Die Komik des Films resultiert vor allem aus der betörenden Unschuld der Kinder und dem sichtlich ridikülen Gebaren der Erwachsenen. Die Wehmut folgt aus ihrer (und unserer) Erkenntnis, dass es in der Welt so etwas Unlogisches wie gesellschaftliche Unterschiede gibt, die man akzeptieren muss, wenn man überleben will. Nach Beverley Bare Buehrer: Japanese Film «Das Wunder Ozu - Ozu ist im Westen Kult: Der neben Kurosawa und Mizoguchi dritte berühmte Klassiker des japanischen Films in der Mitte des letzten Jahrhunderts hat einen unerhörten Reinigungseffekt für (kino-)verdorbene Sinne. Wie schlicht sind diese Filme, wie wundersam schön, wie genau! - Seine Radikalität hat in der Filmgeschichte Massstäbe gesetzt.» Martin Walder, NZZ am Sonntag
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"A travers l'évolution des parents et des enfants, j'ai montré, comment le système familial japonais commençait à se désintégrer". Ozu