Un couloir de prison. A travers le judas d'une porte de cellule, un regard semble interroger le spectateur. Ce regard mi-inquisiteur, mi-amusé, c'est celui de Lin-Lang, jeune femme qui termine sa peine de prison pour activités subversives.
Dans le même temps, à Taipei, capitale de Taiwan, une famille ordinaire vit une journée aussi ordinaire. Le père, Wang-Rong, possède un estaminet qui tient aussi de centre de méditation mystique. Lui et son épouse, An-An, ont un enfant, Di-Di, âgé d'un an.
La jeune femme récemment libérée, du nom de Lin-Lang, retrouve ses anciens amis de lutte qui, tous, ont fini par «se ranger» et sont devenus chefs de famille ou entrepreneurs. Déroutée, Lin-Lang se met à la recherche d'un vieil ami, une référence capitale dans sa vie, qui n'est autre que Wang-Rong. Il ne fut pas moins que son professeur, son maitre à penser politique et enfin son amant. Lin-Lang se souvient de ses années de décisions radicales, quand Wang-Rong l'incita à avorter et quand il participa aux événements dits de Formosa en hiver 1979. Arrêté par la police, Wang-Rong lui avait adressé depuis sa cellule une lettre d'amour inconditionnel aux accents de testament ... Anéantie par les rumeurs de sa mort, Lin-Lang se radicalise et pose une bombe pour le venger. Condamnée à dix ans de détention, elle apprend de sa cellule que son amant est libre, grâcié par le Président en 1987. Elle ne finit pas dès lors de compter les jours jusqu'à sa libération pour le rejoindre et revivre ensemble.
Mais Wang-Rong est maintenant un homme marié, équilibré, qui se défoule régulièrement avec des séances solitaires de base-ball. Au fil des rencontres, Lin-Lang se rend compte que les enjeux ont changé. Les combats pour davantage de
démocratie ne sont plus de mise dans une société normalisée. Ses idéaux et son amour trahis, Lin-Lang se retrouve seule, confrontée à de nouvelles réalités.
Tiré d'une nouvelle «Le dernier hiver», «L'Ile du chagrin» revient sur les «événements Formosa» survenus à Taiwan en décembre 1979. Formosa était le nom de l'une des nombreuses revues d'opposition au parti unique au pouvoir de l'époque, le Parti nationaliste du Kuomintang. C'est en 1947 que ce Parti prit le contrôle de l'Ile, devenu le lieu de refuge de l'armée contre-révolutionnaire opposée aux communistes menés par Mao-Tsé-Toung sur le continent chinois. Jusqu'en 1987, la loi martiale instaurée par le KMT interdisait tout mouvement d'opposition. Cette année-là, l'amnistie fut prononcée à l'endroit des responsables des événements Formosa dont bon nombre se présentèrent aux premières élections libres quelques années plus tard. Ils bénéficient maintenant d'un pouvoir politique et d'une auréole de victimes acquise lors de ces événements de 1979. Elus avec une forte majorité aux élections municipales et parlementaires, beaucoup d'entre
eux sont devenus d'influents dirigeants du parti d'opposition le plus important, le DPP, Parti pour la Démocratie et le Progrès. On peut dire que, dans le paysage politique actuellement libéralisé de Taiwan, les anciens dissidents se sont
transformés en détenteurs de pouvoir bien assis. «L'île du chagrin» dépeint la désillusion d'une militante qui, à l'inverse des dirigeants établis du DDP, n'a pas bénéficié des avantages de la réhabilitation dans la nouvelle société taïwanaise.
De ce portrait d'une génération désenchantée, on peut voir une métaphore du destin de tous les laissés-pour-compte du «miracle économique taïwanais>,. Si les références historiques sont assurément chinoises, si le langage visuel porte le label de la Nouvelle vague du cinéma taïwanais, il ne demeure pas moins que le tumulte des sentiments joint au vacarme de
l'Histoire, et l'impact des changements sociaux sur les valeurs humaines sont des données constantes et universelles. En ce sens, avec sa structure narrative éclatée, ses décors crépusculaires, Hsu Hsiao-Ming s'offre en artiste totalement libre de ses choix esthétiques et de ses engagements d'humaniste.
Titre original | Heartbreak Island - Qunian dongtian | ||||||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Titre allemand | Heartbreak Island | ||||||||||||
Titre français | L'île du chagrin | ||||||||||||
Autres titres | Heartbreak Island | ||||||||||||
Réalisation | Hsiao-ming Hsu | ||||||||||||
Pays | Taiwan | ||||||||||||
Formats | 35mm | ||||||||||||
Scénario | Guo Cheng, John S.C. Chiang | ||||||||||||
Montage | Chen Bo-wen | ||||||||||||
Musique | Chyi Chin & The Red Band | ||||||||||||
Image | Yang Wie-han | ||||||||||||
Son | Tu Du-che | ||||||||||||
Production | Hsu Hsiao-ming Film Co. | ||||||||||||
Durée | 122 Min. | ||||||||||||
Langue | Mandarin/d/f | ||||||||||||
Acteurs |
|
Les textes ainsi que tout le matériel visuel et sonore fourni sur le site de la fondation trigon-film sont destinés à la rédaction d'articles promotionnels sur les films respectifs. Le matériel est mis gracieusement à disposition à des fins de rédaction d'articles promotionnels sur les différents films. Tout autre usage est défendu en vertu des dispositions sur le copyright et n'est pas possible sans accord écrit par trigon-film. Le partage - contre rémunération ou non - du matériel avec des tierces personnes est interdit. Le copyright © trigon-film.org est obligatoire. En utilisant notre matériel, vous acceptez les conditions relatives au copyright.