No te mueras sin decirme adónde vas
En 1885 dans le New Jersey: William pleure la mort de sa femme Rachel. En tant qu'assistant de Thomas Edison il réfléchit à son invention, l'origine même du projecteur de cinéma actuel. Il s'endort et commence à rêver. Leopoldo, un projectionniste de cinéma d'aujourd'hui à Buenos Aires, est au centre de son rêve. Lui aussi est un inventeur, plutôt par pur besoin de défier la routine. Le rêve de William devient l'histoire du film, que nous raconte le plus grand voyageur de l'imaginaire d'Argentine, Eliseo Subiela: un voyage poétique aux limites de la réalité et d'un monde fantastique.
Accompagné par son ami, Oscar, Leopoldo conçoit une machine qui retranscrit les rêves. Il parvient à reconnaître vaguement une femme d'une beauté éclatante, vêtue comme au siècle passé. C'est justement la femme dont William pleure la mort dans son rêve, en 1885: Rachel. Mais Leopoldo ne peut pas encore se douter, lui, qui éprouve un amour nostalgique indéfini, qu'il va redecouvrir un jour cette femme de ses rêves, dans la salle du cinéma vide, après que les lumières se soient éteintes. Elle se présente sous le nom de Rachel et l'appelle William. Elle lui déclare qu'ils n'ont jamais cessé de s'aimer, au-delà du temps, dans plusieurs vies différentes. Dès ce moment-là , Leopoldo vit dans deux mondes: d'une part avec Rachel, que lui seul - tout comme nous au cinéma - peut voir et entendre; d'autre part dans son quotidien, dans sa vie de couple et son entourage, où son comportement et ses discours demeurent énigmatiques. Rachel, âme en migration, est d'un savoir illimité sur la vie, la mort et l'amour. Mais elle appréhende son retour dans ce monde par peur des souffrances liées à la vie. Leopoldo, quant à lui, redoute l'empire des morts.
Leopoldo a encore beaucoup à apprendre. Rachel devient son guide spirituel dans une nouvelle dimension d'amour et d'existence. Cette dimension permet à Lepoldo d'entrer en contact avec des morts - ses parents, son ami. Comment se concluera ce voyage surréaliste? Rachel et Leopold pourront-ils se retrouver aussi physiquement dans le même temps? Leopoldo doit-il, pour cela, passer par la mort, ou Rachel obligée de renaître? Ce sont quelques-unes des questions que pose le film poétique de Subiela, à propos de la victoire de l'amour sur la mort. Questions éclairées avec subtilité, profondeur et virtuosité. Autant de facettes passionnantes et surprenantes, avec bien sûr, l'humour propre à Eliseo Subiela.
La vie - un rêve? Cette question classique se pose également dans le dernier film d'Eliseo Subiela, qui n'arrête pas de lier amour et nostalgie, mais cette fois dans l'une des plus belles, des plus profondes et touchantes réflexions sur l'essence du cinéma et du monde des rêves. Subiela nous guide à travers un labrinthe magique, oû nous nous rencontrons nous-mêmes. L'invention d'Oscar, elle, se trouve à l'opposé de ce monde et de Rachel: Carlos, le robot est un corps tangible, mais limité d'une façon presque tragique dans ses mouvements programmés. L'amour de Subiela, même lorsqu'il s'appelle nostalgie, est destiné à tous les personnages de ce film ultra-sensible: un regard empreint d'une douce et chaleureuse sympathie. Et c'est là que se referme le cercle, qui devient, même pour nous au cinéma, un rêve de réalité (ou qui devient la réalité de nos rêves): vivre, c'est aimer. L'amour, c'est la vie. Bien au-delà de la mort. Donc, ne meurs pas sans me dire où tu vas.