L'homme sur les quais
Une femme, Sarah, jette un regard en arrière: sur son enfance dans l'Haïti des Duvalier, sur une période sombre faite de violence arbitraire et de peurs quotidiennes. Lorsqu'elle avait huit ans, son père, un officier de police libéral et naïf, dut s'enfuir avec sa femme, laissant les enfants - Sarah et ses deux soeurs - aux soins de leur grand-mère. Dans le grenier de la maison, les trois fillettes se cachent pour échapper à Janvier, personnage angoissant et diabolique, qui sème la terreur et la violence dans cette région. Deux mondes se côtoient ainsi: l'enfance avec ses rituels et ses secrets se heurte au monde grisâtre et incompréhensible des adultes et de leur pouvoir.
Les souvenirs de Sarah viennent par bribes. Il y la mémoire de cet homme sur les quais qui joue un rôle important dans ce drame qui se noue dans la rue. Avec beaucoup de finesse, Raoul Peck a évité les effets trop voyants pour s'attacher à construire un climat où la violence se ressent dans les tripes. C'est un regard, un geste, cela suffit. Cela laisse la place à la poésie et aux nuances pour le monde sensible de Sarah, pour la force d'âme de la Grand-mère. Sarah se souvient encore aujourd'hui de cette phrase: «Ce n'est qu'un mauvais rêve, mon amour, ce n'est qu'un mauvais rêve».